Un peu d'histoire ...

Aux origines de la maintenance : de Rome à l’ère numérique

La maintenance, souvent perçue comme une fonction technique discrète, puise ses racines dans l’histoire même de la civilisation. À travers un voyage fascinant, Gérard Neyret, Ingénieur des Arts et Manufactures et Vice-Président d'honneur de l’AFIM retrace dans « Les Évolutions de la Maintenance » l’évolution de cette discipline, de l’empire romain à nos jours.

De Frontin à la maintenance moderne

Sextus Iulius Frontinus

En 97 après J.-C., sous l’ordre de l’empereur Nerva, l’ingénieur romain Frontin (en latin Sextus Iulius Frontinus) est chargé de rénover le réseau d’aqueducs de Rome. Face à un système en ruine et corrompu, il adopte des principes d'exploitation et de maintenance qui résonnent toujours :

• Inspection régulière des infrastructures (près de 800 km parcourus à cheval)
• Gestion budgétaire rigoureuse
• Documentation technique et plans d’ouvrage
• Sanctions contre les fraudes et les détériorations
• Maintenance préventive et corrective structurée
• Organisation de personnel réparti sur le réseau

Ces pratiques visionnaires, consignées dans son ouvrage De Aquae Ductu Urbis Romae, posent les bases de la maintenance industrielle moderne.

Du Moyen Âge à l’industrialisation

Au fil des siècles, la maintenance reste active en coulisses : entretien des cathédrales gothiques, navires des croisades, premiers ateliers manufacturiers ... Mais ce n’est qu’au XXe siècle qu’elle accède à une reconnaissance formelle.
L’après-guerre accélère sa structuration :

• Formalisation des types de maintenance : corrective, préventive, systématique
• Création de l’AFIM (Association Française des Ingénieurs de Maintenance)
• Début de l’informatisation avec la gestion des stocks et des pièces

Les révolutions contemporaines

Depuis les années 1970, la maintenance devient un pilier stratégique de performance industrielle, portée par l’innovation :

• Maintenance assistée par ordinateur (GMAO/CMMS)
• Méthodes TPM (Total Productive Maintenance) et RCM (Reliability-Centered Maintenance)
• Condition monitoring (vibrations, thermographie, ultrasons…)
• Intégration dans les ERP (SAP, Oracle)
• Développement de la maintenance immobilière et hospitalière
• Normes internationales et enjeux environnementaux croissants

Héritage et perspectives

Ce qui frappe, c’est la constance des principes posés par Frontin : rigueur, anticipation, documentation, organisation. La technologie évolue, mais les fondations demeurent.
Comme l’écrit Neyret :

« Les principes de base définis par Frontin sont toujours valables : ils constituent le tronc de l'arbre, sur lequel les évolutions actuelles font pousser des branches de plus en plus nombreuses... »

Conclusion

La maintenance n’est pas qu’une affaire de dépannage. C’est une science, une organisation et une culture. De l’Antiquité à l’Industrie 4.0, elle évolue, innove et se réinvente — plus que jamais essentielle à la durabilité et à la performance.

Document complet "L’Organisation de la Maintenance : De Rome jusqu’à aujourd’hui"

Gérard Neyret

rédigé par Gérard Neyret
Ingénieur des Arts et Manufactures et
Vice-Président d'honneur de l’AFIM

Commentaires

Gérard Neyret
"J'avais découvert l’existence de cet ouvrage (De Aquae Ductu Urbis Romae) de façon tout à fait fortuite, par un heureux hasard, grâce à un universitaire latiniste à la retraite.

J’avais immédiatement acheté cet ouvrage bilingue à la libraire des Belles-Lettres, Boulevard Raspail à Paris, dont la longue préface explique le personnage et les circonstances de son action. Par la suite j’ai découvert aussi son rôle, dans une édition des lettres de Pline le Jeune, ami de Frontin, qui expliquait que Frontin s‘était opposé à ce qu’on lui érige un monument après son décès, en disant que ce ne serait qu'un gâchis inutile d’argent, et que ses réalisations contribueraient bien mieux à sa mémoire.

Dans ce livre se aussi trouve le fameux texte souvent cité où Pline décrit l’éruption du Vésuve … et un autre où il raconte comment il s’était sauvé avec sa mère en se protégeant la tête avec un coussin contre la pluie de petits cailloux crachés par le Vésuve ...

Au début du XVII ème siècle, l’installation d’une scie mécanique mue par une roue à aube était une installation d’un certain coût, dont les divers exploitants se partageaient à tour de rôle les services.

Ce partage se faisait par-devant un notaire: le temps d’exploitation s’appelait un :
« tènement » ,
à l’issue duquel l’exploitant sortant devait remettre en bon état la scie à son successeur, par une opération appelée :
« l’entretènement ».
Je me suis toujours interrogé si ce vocable n’avait pas évolué chez nous vers le terme « entretien » , qui a précédé l’appellation « maintenance »."

Gérard Piot
"Il faut aussi rappeler que la mission confiée initialement à Frontin avait été :
« Rome manque d’eau, construisez moi un nouvel aqueduc ».

Et Frontin avait eu l’intelligence :

• De penser le projet non pas en terme de « moyen » (construire un nouvel aqueduc) mais en terme de « besoin » (amener plus d’eau à Rome).
• De démontrer qu’une maintenance appropriée est une source d’économie permettant d’éviter des investissements dispendieux.

Au cours de ma longue carrière dans l’ingénierie j’ai souvent eu à mettre en application ces deux principes, souvent au début contre l’avis des donneurs d’ordres".

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